Actes n°4 / Doctorales 58 : L'épreuve de l'altérité

In Black and White : The Boondocks et la confrontation perpétuelle à  l'Autre dans l'Amérique multiraciale du XXIe siècle

Yann Descamps
In Black and White : The Boondocks et la confrontation...

Résumé

Création d’Aaron McGruder à la fin des années 1990, The Boondocks se décline comme une bande dessinée et une série animée politiquement engagées, consacrées au quotidien d’une famille afro-américaine (les Freeman) au sein d’une banlieue blanche aisée. Ces textes mettent en scène de manière conflictuelle la notion d’altérité et le rapport à l’autre au sein de l’Amérique multiraciale du XXIe siècle. Par sa représentation culturelle, esthétique et politique de ses personnages principaux et de leur rapport conflictuel à l’altérité, McGruder dresse un portrait à la fois critique et subtil de la communauté afro-américaine, cassant les codes de sa représentation monolithique et stéréotypée au sein de la culture populaire américaine. The Boondocks porte la parole d’une communauté qui refuse de se voir contenue ou « cadrée » (framed) en termes de représentation politique, esthétique ou culturelle, et qui se redéfinit ainsi tout en confrontant les multiples stéréotypes qui lui sont associés à travers une démarche aussi critique qu’auto-critique, au moment où l’Amérique oscille entre rêve de post-racialité et réalité de conflits raciaux persistants.

Mots clés The Boondocks, afro-américanité, mainstream, altérité, représentation, bande dessinée, série animée, Aaron McGruder, culture populaire

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Introduction : Man Made Visible : Le Soi et l’Autre dans le contexte américain

Dès l’ouverture du prologue de son célèbre roman Invisible Man publié en 1952, Ralph Ellison expose, à travers la voix de son narrateur, sa vision de ce qu’il appelle l’« invisibilité » de l’homme afro-américain au sein de la société américaine :

« I am an invisible man. [...] I am a man of substance, of flesh and bone, fiber and liquids – and I might even be said to possess a mind. I am invisible, understand, simply because people refuse to see me. […] That invisibility to which I refer occurs because of a peculiar disposition of the eyes of those with whom I come in contact. A matter of construction of their inner eyes, those eyes with which they look through their physical eyes upon reality[1]. »

Ellison inaugure ainsi durablement en littérature comme au sein de la culture populaire afro-américaine le trope de l’invisibilité de l’Afro-Américain aux yeux de la société américaine blanche : il est autre, et même un Autre coupé des autres par le regard raciste blanc. Ellison pousse ainsi plus loin ce qu’écrivait déjà W.E.B. DuBois dans The Souls of Black Folk : la « double conscience » (double consciousness) des Noirs Américains, tient à ce qu’ils se voient et se voient simultanément altérisés dans le regard blanc[2]. Si, parmi les mythes fondateurs de la nation américaine, l’union de la nation, ou plus précisément son unicité issue de la multiplicité (E Pluribus Unum), figure en bonne place[3]. Pourtant, si l’Amérique se propose de réunir les altérités au sein d’une seule identité, c’est toujours, durant l’esclavage puis la ségrégation, en excluant l’identité noire, voire en se construisant en creux contre elle, comme l’argumente Toni Morrison dans Playing in the Dark[4]. L’exploration de la culture populaire américaine des années 1990-2000 permet, une génération après la fin officielle de la ségrégation (Civil Rights Act de 1964), de montrer l’altérisation encore à l’œuvre.

Le Soi américain trouve sa représentation dans les séries télévisées, outils culturels signifiants permettant de représenter et d’embrasser l’identité qu’une société donne d’elle-même dans les médias de masse[5]. L’un des principaux exemples est la série Friends (NBC, 1994-2004), qui représente l’Amérique en tant que mythe auto-construit — une Amérique essentiellement (pour ne pas dire exclusivement) blanche. Pourtant, l’histoire et la réalité américaines sont marquées par d’autres faits, tels que l’immigration, le métissage, l’épreuve d’une altérité aux mille visages. Or, dans les années 1990, cette représentation d’une Amérique multiculturelle, ou encore multiraciale, selon la sémantique américaine, peine à devenir effective[6].

Parmi les altérités américaines, la communauté afro-américaine a déjà fait l’objet de représentations au sein de la culture populaire américaine, comme dans The Cosby Show (NBC, 1984-1992) ou encore The Fresh Prince of Bel Air (NBC, 1990-1996). Cependant, ces séries — diffusées par le même network que Friends — représentent une altérité lisse, stéréotypée, et renforcent ainsi le regard simplificateur que porte l’Amérique mainstream blanche sur la communauté afro-américaine[7]. Entre 1996 et 2010[8], que ce soit à travers le medium de la bande dessinée ou celui de la série animée, Aaron McGruder dévoile, avec The Boondocks, un nouveau portrait de la communauté afro-américaine, une altérité afro-américaine plus radicale dans son discours politique, mais aussi plus nuancée dans ses représentations complexes (en termes de classe, de conflits générationnels, etc.). Ainsi, il illustre l’épreuve de l’altérité dans le contexte américain, à travers une perspective afro-américaine.

L’altérité renvoie à ce qui est autre, sans pour autant établir une binarité absolue entre Soi et Autrui, et faire de l’alter ego l’incarnation d’une altérité absolue[9]. Aux États-Unis, il y a bien des altérités. L’autre y revêt divers visages. C’est également le cas dans les Boondocks, où l’autre est le Noir face au Blanc, le Militant noir face au Gangsta noir, le jeune afro-américain face au grand-père afro-américain, ou la petite fille métisse face aux enfants blancs et aux enfants noirs. Or, dans l’œuvre d’Aaron McGruder, cette altérité aux multiples visages est perpétuellement éprouvée : elle est mise en évidence, elle entraîne une confrontation, elle fait l’objet d’une résistance, ou bien elle peut être perçue comme une souffrance ou un obstacle. En éprouvant l’altérité, les personnages des Boondocks permettent ainsi aux lecteurs ou téléspectateurs de l’éprouver aussi et de tirer des conclusions plus générales sur la notion d’altérité au sein de la société américaine. À travers son dessin et ses textes, Aaron McGruder rend visible celui qui était autrefois invisible — la pierre noire qui a participé à l’érection de l’édifice américain et cependant « niée », ou comme le chante le rappeur Asheru dès la première phrase du générique de la série animée The Boondocks, « The stone that the builder refused[10] ». À travers ces paroles, McGruder dévoile son projet, à savoir bouleverser la représentation du Soi américain pour la complexifier, en passant par une nouvelle représentation de la subjectivité afro-américaine. Dans quelle mesure, alors, The Boondocks confronte-il l’Amérique au regard de l’Autre, et donc à son identité faite d’altérités ? Puisque McGruder représente non pas l’Autre afro-américain, mais bien des afro-américanités multiples, il confronte la question raciale dans l’intersectionnalité[11], et produit ainsi une œuvre medium de l’altérité, où l’identité noire est « performée » de multiples manières.

 

1. Je est un nous : Élucider les afro-américanités

Au-delà de faire rire en évoquant la culture populaire, les informations ou la politique, The Boondocks permet à Aaron McGruder de reprendre le contrôle de la représentation de la communauté afro-américaine et de redéfinir le « je » afro-américain, entre multiplicité des visages et tensions.

1.1 Une autre représentation : résister au cadrage de la communauté afro-américaine par le dessin

Par son dessin même, McGruder résiste au cadrage esthétique, mais aussi culturel et symbolique, de la communauté afro-américaine. En effet, les représentations passées des personnages noirs, africains ou afro-américains, étaient empreints de stéréotypes racistes[12], que ce soit dans l’apparence physique des personnages, l’association à un état de nature, ou encore dans le langage qui leur est associé, sorte de caricature de l’Ebonics ou Spoken Soul[13]. Si le milieu du XXe siècle marque un progrès dans la représentation de héros afro-américains, certains stéréotypes résistent de manière latente[14]. Par exemple, Luke Cage (Marvel Comics, 1972), alias Power Man, est un mercenaire à la force surnaturelle, à l’Ebonics exagéré, au corps hypermusculeux et surexposé, et à la peau indestructible. Surtout, il réfléchit peu et détruit tout sur son passage, ne triomphe que par la force[15], et représente ainsi une sorte d’état de « surnature », qui renvoie au trope raciste de l’homme noir comme « animal ».

L’acte de résistance d’Aaron McGruder réside d’abord dans la mise en dessins de personnages afro-américains « normaux », ancrés dans une réalité palpable (une famille afro-américaine des inner cities de Chicago qui déménage à Woodcrest, quartier d’une banlieue blanche), porteurs de références culturelles communes à plusieurs générations d’Américains et d’Afro-Américains (du hip-hop au kung-fu, en passant par Star Wars). Huey, le héros, n’est pas « Le Noir » (token black character) de l’histoire, mais un jeune afro-américain au sein de la société américaine, qui côtoie les membres de sa communauté comme les membres de la majorité blanche.

En normalisant, comme en affinant la représentation des Afro-Américains, McGruder fait acte de résistance. Il refuse le « cadrage » de sa représentation médiatique[16], et marque le refus des Afro-Américains d’être contenus et confondus dans le regard (im)posé sur eux par la majorité blanche. Dans cette perspective, le rapport au dessin est très important. Les codes racistes sont cassés. Plus encore, l’utilisation d’un dessin proche de celui du manga (style en provenance d’une autre culture, qui tend à européaniser ses personnages et donc à gommer, en quelque sorte, tout trait stéréotypé dans les tentatives de représentations des minorités) permet d’évoquer une réalité multiculturelle à l’aide d’un medium lui-même issu d’une autre culture. Le dessin peut donc être perçu comme un objet culturel, porteur d’une subjectivité afro-américaine aux multiples visages.

1.2. Uns et multiples : faire la preuve des afro-américanités

Pour les personnages principaux des Boondocks, la première expérience de l’altérité se déroule au sein même de leur communauté. En effet, McGruder met en scène toute une galerie d’archétypes afro-américains.

Huey Freeman est le Militant. Nommé Huey en référence à Huey P. Newton, fondateur du Black Panther Party for Self-Defense en 1966[17], il se bat pour la reconnaissance des droits des Afro-Américains et contre le racisme de la société américaine — ou encore le manque de conscience politique au sein de sa propre communauté. Il porte sa radicalité dans son discours, mais l’affirme aussi dans sa coiffure, sa coupe afro étant l’objet de fascination de la part des personnages blancs — comme de critiques de la part son grand-père.

Riley Freeman, petit frère de Huey, est le Gangsta. Il incarne la jeunesse afro-américaine des ghettos dans sa culture (ses vêtements, son langage, ses références) comme dans sa philosophie de vie, empreinte de nihilisme et d’obsession pour la violence et le consumérisme.

Robert Freeman, grand-père de Huey et Riley, est l’Ancien Militant des droits civiques. Il est le représentant de cette génération qui a fait l’épreuve de la bascule entre la société ségréguée et la « post-soul nation[18] ». Il coexiste pacifiquement avec les Blancs, même s’il sait qu’il ne sera jamais l’un des leurs.

Jazmine DuBois est la Métisse. Jeune et candide, elle rejette son identité noire, qu’affirme pourtant sa chevelure, comme lui rappelle régulièrement Huey. Elle permet à McGruder d’évoquer la question de l’identité dans le cas de la biracialité aux États-Unis.

Tom DuBois est une figure complexe, à la fois intellectuel (il est avocat) lié à l’héritage de W.E.B. DuBois, militant (il est engagé au sein de la NAACP et soutient Al Gore) mais aussi lié au mainstream, de par son mariage avec Sarah (une femme blanche) ou encore son opposition à la radicalité de Huey. Il représente une bourgeoisie afro-américaine bien-pensante et non menaçante pour l’establishment blanc combattu par Huey.

Enfin, Uncle Ruckus est la figure de l’Oncle Tom poussée à son paroxysme[19]. Il se dit blanc, atteint d’une maladie, la « revitiligo », qui noircirait sa peau, dans une satire de ceux qui nient utiliser des produits blanchissants[20]. Il est raciste anti-noir et soutient la domination blanche.

McGruder dessine donc un kaléidoscope d’afro-américanités. Certes, ces personnages portent également des visages stéréotypés. Cependant, ils sont utilisés par McGruder pour mieux porter un regard autocritique sur la communauté noire et moquer ces stéréotypes cultivés au sein de la majorité blanche. McGruder montre que la communauté afro-américaine ne peut être englobée dans un Soi ou un Autre afro-américain, et surtout, il montre que la multiplicité des manières de « performer » l’identité noire au sein même de cette communauté génère de nombreuses tensions, sources de confrontations inter- et intra-générationnelles

1.3. « Nigga Moments » : montrer les confrontations intra-communautaires

Dans l’épisode 4 de la première saison de la série animée, « Granddad’s Fight[21] », Huey théorise ce qu’il nomme les « Nigga moments[22] », des moments où les Afro-Américains perdent la raison pour finalement se détruire, réalisant ainsi ce que la société raciste attend d’eux. Ces instants ne sont que la partie émergée des conflits et tensions inter- et intra-générationnels, et de l’épreuve de l’altérité au sein de la communauté afro-américaine mis en scène dans les Boondocks.

Au sein même des générations, les tensions sont multiples. Huey et Riley sont en conflit permanent, fruit de la tension entre la politisation exacerbée de Huey et son goût pour l’intérêt collectif, et le caractère apolitisé, égoïste et auto-destructeur de Riley. Entre Robert Freeman et Uncle Ruckus, les tensions sont dues au racisme anti-noir de Ruckus et son amour inconditionnel des Blancs. Par ailleurs, l’un des conflits récurrents met en scène Huey et des personnalités influentes afro-américaines de son époque (le tournant des années 2000), de Puff Daddy à Condoleeza Rice, en passant par Robert Johnson, fondateur de la chaîne Black Entertainment Television, qui, selon Huey (et McGruder), véhicule une image regrettable de la communauté afro-américaine car porteuse de stéréotypes sous couvert de volonté de représentation positive de cette communauté[23]. En ce sens, BET pourrait être perçue comme une forme plus commerciale de la Blaxploitation. Autre entreprise de représentation de la communauté afro-américaine sur les écrans, elle oscillait entre affirmation d’une « prise de pouvoir » (empowerment) par le cinéma à travers les œuvres de Melvin Van Peebles et Gordon Parks, et persistance de certains stéréotypes dans la performance de l’afro-américanité, notamment dans les films produits voire réalisés par Hollywood[24]. Selon McGruder, BET ferait davantage écho à la quête de profit par l’exploitation des stéréotypes du Hollywood blanc des années 1970 qu’à la volonté de leur renversement par certains réalisateurs noirs de la même époque.

Mais c’est entre les générations que les conflits sont les plus éclatants : fossé générationnel pluridimensionnel entre le duo Huey-Riley et le Grand-père, qui n’ont pas les mêmes valeurs, la même culture (notamment la culture hip-hop qui cristallise ces tensions), ni le même rapport à la majorité blanche ; désaccord permanent entre Huey, révolutionnaire radical, et Tom, au militantisme moins extrême ; et finalement, fossé générationnel plus fondamental, mis en lumière dans l’épisode 9 de la saison 1, « Return of the King », entre des icônes comme Martin Luther King Jr. et Rosa Parks d’un côté, et la jeunesse afro-américaine consumériste et apolitique du XXIe siècle de l’autre[25].

De ces affrontements émerge l’image d’une communauté qui peine à s’unir, un Soi afro-américain constitué d’Autres qui, s’ils conservent un lien entre eux, cultivent leur altérité au détriment d’une identité communautaire qui permettrait une organisation politique plus efficace et une propension moindre à l’auto-destruction à travers la « performance » de certains stéréotypes racistes et le fléau des meurtres au sein de la communauté noire (black-on-black crime). Cela cultive l’art de McGruder et laisse son personnage Huey dans une morosité permanente, lui qui est le premier critique comme le premier défenseur de sa communauté.

Par sa représentation culturelle, esthétique et politique de ses personnages principaux, McGruder déconstruit les trois types de racisme historiquement observés dans les bandes dessinées, à savoir ce que Fredrik Strömberg appelle « pictorial racism, textual racism, content racism[26] ». The Boondocks porte la parole d’une communauté qui refuse de se voir contenue ou cadrée en termes de représentation politique, esthétique ou culturelle, et qui se redéfinit ainsi tout en confrontant les multiples stéréotypes qui lui sont associés. Plus encore, il sert un Autre plus irrévérencieux, moins « mainstream-friendly », une sorte d’« Afro-Américanité provocatrice », ou « In-Your-Face Blackness », confrontant sans concession la question raciale aux États-Unis.

 

2. Faire face à l’Autre : La question raciale dans The Boondocks

Si elle se concentre sur la « perspective noire » (Black perspective)[27], l’œuvre de McGruder explore l’épreuve de l’Autre et la rencontre interraciale (ou son impossibilité). L’auteur en fait une description complexe, entre confrontation, mépris et dialogue impossible. En effet, dans le quartier de Woodcrest, Blancs et Noirs se rencontrent pour mieux se confronter ou s’ignorer, entre rejet de l’autre, résistance à sa vision et déni de son existence.

2.1. « Rebel without a Pause[28] » : Noirs et Blancs, la confrontation permanente

L’arrivée de la famille Freeman au sein d’une banlieue essentiellement blanche constitue une épreuve, celle de la confrontation à l’autre au quotidien, qui est ici pluridimensionnelle.

Elle est d’abord physique : la présence de cette famille entraîne un malaise chez la population blanche, inquiète pour l’avenir de son quartier. Le jeune Riley goûte pleinement cette confrontation physique, qui lui permet, par sa simple présence, d’intimider son voisinage dans un jeu satirique sur la peur raciste ici exploitée. Elle est aussi et surtout sociale et culturelle. L’arrivée des jeunes Freeman à Woodcrest correspond à l’introduction de la jeunesse des ghettos dans la banlieue privilégiée blanche, comme un rappel du gouffre économique existant entre ces deux mondes. Cela correspond également à la mise en contact de la culture urbaine afro-américaine, et plus particulièrement du hip-hop, voire même de la culture gangsta, avec l’Amérique blanche des banlieues. Après l’effervescence (et l’insécurité) des inner cities, Huey et Riley s’ennuient ouvertement au sein d’un paisible quartier pavillonnaire, qu’ils assimilent à une ville de ploucs (d’où le titre de la série, the Boondocks[29]). Le choc produit renvoie à une société profondément scindée.

À travers le personnage de Huey, le choc prend une double dimension intellectuelle et politique. Révolutionnaire d’extrême gauche, opposant au gouvernement de George W. Bush, le jeune homme résiste à l’establishment, ou au « système en place » (The Powers that Be[30]) qui favorise la majorité blanche. Cela passe par un militantisme politique, l’opposition à ses professeurs, notamment lors des cours d’histoire, l’écriture d’un journal ou ses prises de parole face à la population blanche pour réveiller les consciences sur la nature des gouvernants et des médias.

La confrontation est donc permanente. Cette résistance au pouvoir blanc est d’ailleurs le trait commun (en plus de la culture hip-hop) qui unit Huey et Riley, notamment dans leur rejet du propriétaire blanc, Ed Wuncler. Cependant, s’il y a confrontation sur les terrains politique et culturel — qui se joue toujours autour du corps noir (et des cheveux noirs, notamment) —, la particularité du projet de McGruder est de mettre en évidence le manque de véritable relation intersubjective entre membres des deux communautés.

2.2. « Are You Even Listenin to What I’m Sayin? »[31] : L’impossible intersubjectivité

Aaron McGruder s’applique à souligner l’absence de véritable échange entre Blancs et Noirs, due aux différences culturelles fondamentales, aux approches différentes et inconciliables au sein de la communauté afro-américaine, et surtout au mépris et au refus de dialogue de la part de la majorité blanche. Les moments de confrontation entre Noirs et Blancs sont marqués par des incompréhensions dues à des différences culturelles profondes. Cela commence par le langage (l’Ebonics face au King’s English), et se poursuit par des visions conflictuelles de l’Histoire (Huey contredit ses manuels d’histoire et monte une pièce autour d’un Jésus noir[32]) ou de la société (le système est décrit comme juste par les Blancs, injuste par les Noirs[33]). Ces différences créent l’incompréhension réciproque et rendent tout dialogue compliqué.

Cependant, le fait-clé souligné par McGruder est le mépris de la majorité blanche pour la communauté noire, et son refus de dialoguer, par indifférence aux problèmes rencontrés par les Noirs, et par ethnocentrisme. Dès l’incipit de la série animée, les Blancs ne prêtent aucune attention aux propos de Huey pour se concentrer sur sa chevelure. Selon un autre mode « d’invisibilisation » : il leur est « inaudible[34]». Et s’ils apprécient certains éléments de la culture afro-américaine, c’est lorsqu’ils y perçoivent un certain exotisme[35]. Mais dans l’ensemble, tout dialogue constructif est impossible.

Aaron McGruder met en dessins des altérités isolées, mais un manque cruel d’intersubjectivité. Les seuls moments d’échanges sont mis en scène dans l’entente entre Riley et Wuncler Jr. dans le nihilisme gangsta[36]. Dans ce paysage, Huey fait figure de Cassandre, lui qui critique ouvertement — et en vain — Noirs et Blancs, ainsi que le gouvernement de George W. Bush ou encore l’engouement irrationnel chez les Afro-Américains autour de l’élection de Barack Obama[37].

Là encore, l’épreuve de l’altérité, en l’occurrence de l’autre racialisé, ouvre sur une confrontation, une résistance voire une souffrance. Elle montre qu’à bien des égards, l’altérité est vécue sous la forme de subjectivité niée par l’autre au sein de la société américaine des années 2000. Dans ce contexte, l’œuvre de McGruder peut alors jouer un rôle-clé, celui de medium, d’outil culturel, de trait d’union entre ces subjectivités.

 

3. Autre Medium, Medium de l’Autre : The Boondocks et la représentation signifiante de l’Autre

L’auteur a fait le choix de deux médias, la bande dessinée et la série animée, qui lui permettent d’atteindre un public large, que ce soit à travers près de 300 journaux et publications, parmi lesquels le Los Angeles Times, le Washington Post ou The Nation[38], ou encore Adult Swim, la tranche horaire tardive de la chaîne Cartoon Network. Ils lui permettent surtout de donner à voir et à entendre l’expérience de l’Autre à la majorité blanche américaine, comme il permet de mettre à l’épreuve le lecteur/spectateur.

3.1. Ouvrir les yeux et les consciences : BD, dessin animé, imagination et élucidation de l’expérience de l’Autre

Aaron McGruder utilise la bande dessinée et la série animée car elles permettent de rendre compte de son regard afro-américain sans pour autant mener à l’aliénation de la majorité blanche, son rejet de l’œuvre et le refus de tout échange. Mieux, ils favorisent l’accession à l’expérience de l’Autre pour créer cet échange entre les altérités au sein de la société américaine où l’évocation de la question raciale demeure sensible.

Si le style McGruder est singulier, son regard afro-américain reste accessible à tous : le médium BD, en tant qu’artéfact culturel, représente la culture qui le produit[39], et se charge de tisser un lien entre les publics, pour qu’ils ne se sentent pas Autre au moment de la lecture. Ainsi, à travers ses dessins ou le discours de ses personnages, McGruder s’adresse à la communauté des lecteurs américains, évoque leur culture et ses tensions inhérentes, bouleverse les représentations des personnages afro-américains, et agit sur l’inconscient collectif des lecteurs/spectateurs, tout en abordant des sujets sensibles. Son choix de mettre en scène de jeunes personnages de dix ans constitue un ressort comique, qui lui permet notamment de rendre un message politisé radical « mignon » (cute) et « grand public » (mainstream[40]). Plus généralement, le genre satirique qu’il adopte permet une distanciation avec la réalité — pour mieux la dénoncer. L’imagination du lecteur/spectateur est alors considérée comme un moyen d’accession à l’expérience d’autrui.

En tant qu’objet culturel afro-américain, The Boondocks est une fenêtre sur la subjectivité afro-américaine. Offrir à la majorité blanche le regard que porte sur lui-même l’Autre afro-américain permet à cette majorité de mieux embrasser l’expérience de cet Autre. Mais cette prise de conscience passe par une mise à l’épreuve imposée par McGruder à son lecteur/spectateur.

3.2 Lire entre les bandes : La mise à l’épreuve du lecteur/spectateur

Si Aaron McGruder souligne la prévalence de la nécessité de « divertir » (entertain[41]), il transmet également des messages. Or, la réception peut aussi impliquer un effort supplémentaire de la part du lecteur/spectateur. À travers son œuvre, McGruder sollicite ce dernier en le confrontant à l’humour afro-américain autour de sujets sérieux, et même au regard inquisiteur de ses personnages.

L’humour satirique de McGruder est ancré dans la tradition afro-américaine du « signifying[42] » : il se fonde sur l’intertextualité et des références culturelles et historiques afro-américaines qui peuvent exclure une partie du public, et nécessiter un effort supplémentaire pour le comprendre. Il est mobilisé par McGruder pour suivre la tradition des comic strips qui évoquent la communauté afro-américaine, en « divertissant les publics, mais aussi en entraînant une réflexion sur le sens latent de son œuvre » (to entertain audiences and also provoke thinking about the latent meanings[43]) autour de sujets aussi brûlants que fondamentaux, comme le racisme, la politique impérialiste américaine à l’étranger (notamment lors de la période post 11 Septembre, avec la guerre en Irak), les questions d’identité, ou encore la représentation des Noirs dans les médias, qui fait l’objet d’une étude sociologique mise en scène en abyme[44]. Ce faisant, cet humour revêt une forte signification sociale[45]. McGruder interpelle ses lecteurs en touchant leurs affects et leur fait prendre conscience de la réalité dans sa dureté, tout en les faisant rire.

L’auteur prend également ouvertement à parti son lecteur/spectateur à travers le regard de son personnage principal, Huey. De nombreuses bandes dessinées s’achèvent sur une vignette représentant Huey interpellant directement du regard le lecteur, sans un mot, comme pour souligner son scepticisme sur le fait évoqué, mais aussi pour inviter à une réaction, voire même observer celle-ci[46]. C’est là le dernier élément de mise à l’épreuve du spectateur, qui, doit s’interroger alors sur son rire, sa source et son objet. Or, dans les Boondocks, le rire a quasiment systématiquement pour objet quelque chose de grave, voire de tragique.

Bergson voit dans la démarche de l’humoriste une volonté de corriger et d’instruire[47]. La démarche de McGruder est ici similaire. A un moment où son lecteur/spectateur est censé pouvoir baisser la garde, celui-ci se retrouve pris à parti, et prend au même moment l’altérité et l’échec de l’intersubjectivité en plein visage. Il doit lire entre les bandes, dans un mélange de plaisir et de souffrance. En somme, McGruder donne à penser autour des problématiques qu’il aborde, comme autour de son œuvre-même.

 

Conclusion : « Because I Know You Don’t Read the Newspaper[48] » : la BD et la série animée pour faire rire et penser

The Boondocks permet une plongée dans la vision que la communauté afro-américaine a d’elle-même. Le résultat est une plongée dans une société divisée, faite d’altérités en tension et en confrontation perpétuelle. Le lecteur et le spectateur reçoivent le conflit racial, social et culturel de plein fouet, avec pour seul filtre l’utilisation du dessin (animé ou fixe), qui, par sa dimension esthétique politisée, ajoute, en réalité, une grille de lecture supplémentaire signifiante.

Par son œuvre, McGruder provoque des débats à travers une démarche conflictuelle (confrontational) aussi critique qu’auto-critique, au moment où l’Amérique oscille entre rêve de post-racialité et réalité de conflits raciaux persistants. The Boondocks ouvre des pistes de réflexion et, en tant qu’objets culturels porteurs de la subjectivité afro-américaine, permet d’ouvrir un dialogue, et donc favoriser l’intersubjectivité, condition de l’objectivité, qui permettrait de remettre en cause la vision blanche mainstream, vision dominante jusque-là perçue comme objective, et qui, pourtant, offrait un portrait monolithique lacunaire et stéréotypé de l’Autre afro-américain.

Si l’objectif avoué de McGruder est de divertir et de faire rire, il est également de donner à penser pour lui qui se considère comme un « artiste conscient de la dimension politique de son œuvre et de son objet » (conscious entertainer[49]). Il tente de provoquer un choc pour lancer le dialogue, pour le moment inexistant. Or, sans dialogue, pas de réel vivre-ensemble. The Boondocks permet de prendre le pouls de ce vivre-ensemble à travers le regard d’un Autre au sein du corps social américain. Pourtant, il ne s’agit que du regard d’une altérité parmi un ensemble d’altérités qui font le corps social américain. D’autres altérités restent non-élucidées. Par exemple, le portrait de la communauté afro-américaine fait par McGruder est terriblement lacunaire en ce qui concerne la représentation des femmes afro-américaines, pour laquelle Sheena Howard parle de symbolic[50].

Par ailleurs, Charles Johnson s’interroge sur le caractère libre de la production artistique des nouveaux auteurs de comics comme McGruder : « I feel that even these more realistically written and drawn comics are still reactive, self-consciously fighting against “cartoon-coon” images from the period of Jim Crow segregation, struggling to correct old, apartheid-era wrongs and not yet fully and creatively free[51]. » McGruder dévoile son regard afro-américain en réaction aux autres représentations racistes ou lacunaires de la communauté afro-américaine dans d’autres BD ou dessins animés. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur l’influence du regard des autres auteurs sur sa propre production. Est-il prisonnier de ce regard au moment de livrer le sien ? Ou bien s’en affranchit-il totalement ?

Toujours au sujet de la bande dessinée et de sa dimension artistique, Johnson dit également : « [That] is the very point of any art, comic or otherwise: to put us “over there” behind the eyes of Others[52]. » De ce point de vue-ci, The Boondocks permet de pallier l’invisibilité de l’Autre afro-américain dans le regard mainstream, en plaçant le lecteur/spectateur « derrière les yeux » de cet Autre. The Boondocks prouve également le statut de la bande dessinée et de la série animée comme médias qui permettent de transmettre des messages[53], et outils qui peuvent influencer les représentations au sein de la culture populaire comme de l’inconscient collectif d’une société. Dans le cas américain, The Boondocks a contribué à bouleverser les représentations des Afro-Américains dans ce que Miles White désigne comme l’ « imaginaire racial américain » (American racial imagination[54]). Ils ont également montré les faiblesses du modèle américain en matière de vivre-ensemble, de faire société au sein d’une nation constituée d’altérités en tension qui ont encore du mal à constituer un Soi uni autour d’un projet commun. Une dénonciation poursuivie plus largement chez certains humoristes afro-américains, de Dick Gregory à Dave Chappelle, en passant par Richard Pryor, Paul Mooney ou Chris Rock, qui se sont employés, comme McGruder dans sa série, à utiliser l’humour, autre médium signifiant, pour éprouver l’altérité et faire penser.

 

Bibliographie

Bergson Henri, Le rire (1900), Paris, PUF, 1992.

Crémieux Anne, Les cinéastes noirs américains et le rêve hollywoodien, Paris, L’Harmattan, 2004.

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Biographie de l’auteur

Yann Descamps est docteur en civilisation nord-américaine de l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Sa thèse, intitulée « Am I Black Enough for You? Basket-ball, médias et culture afro-américaine aux États-Unis, 1950-2015 », mêle histoire culturelle et études médiatiques et sportives. Il a également travaillé sur les liens entre musique, cinéma et nationalisme noir aux États-Unis, et est responsable d’un partenariat international sur le thème « Sports, Cultures, and the Media ».

 

[1] Ralph Ellison, Invisible Man (1952), New York, Penguin Books, 2014, p. 3.

[2] W.E.B. DuBois, The Souls of Black Folk (1903), New York, Dover Publications, 1994, p. 2.

[3] Richard T. Hughes, Myths America Lives By, Chicago, University of Illinois Press, 2004, p. 6-8.

[4] Toni Morrison, Playing in the Dark: Whiteness and the Literary Imagination, New York, Vintage Books, 1993, p. 5-6.

[5] Kenneth Ghee, « “Will the ‘Real’ Black Superheroes Please Stand Up?!”: A Critical Analysis of the Mythological and Cultural Significance of Black Superheroes », dans Sheena C. Howard, Ronald L. Jackson II (éds.), Black Comics: Politics of Race and Representation, New York, Bloomsbury, 2013, p. 229.

[6] Kenneth Ghee, « “Will the ‘Real’ Black Superheroes Please Stand Up?!” », op. cit., p. 225.

[7] Lisa A. Guerrero, « “Black” Comedy: The Serious Business of Humor » dans In Living Color, Chappelle’s Show, et The Boondocks », dans David J. Leonard, Lisa A. Guerrero (éds.), African Americans on Television: Race-ing for Ratings, Santa Barbara, California, Praeger, 2013, p. 229.

[8] La dernière saison de la série animée, produite en 2014, est volontairement laissée de côté car elle ne fut pas produite par Aaron McGruder.

[9] Mildred Szymkowiak, Autrui, Paris, Flammarion, 2015, p. 36.

[10] Aaron Mc Gruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD], Sony Pictures, 2006.

[11] Monica Michlin, Jean-Paul Rocchi (éds.), Black Intersectionalities: A Critique for the 21st Century, Liverpool, Liverpool University Press, 2013.

[12] Fredrik Strömberg, Black Images in the Comics: A Visual History, Seattle, Fantagraphics Books, 2003, p. 30, p. 35-36.

[13] John Russell Rickford, Spoken Soul: The Story of Black English, New York, John Wiley and Sons, 2000.

[14] Fredrik, Strömberg, Black Images in the Comics: A Visual History, op. cit.

[15] Joe Quesada (éd.), Essential Luke Cage, Power Man, Vol. 1, New York, Marvel Entertainment, 2005.

[16] Divina Frau-Meigs, Médiamorphoses américaines, dans un espace privé unique au monde, Paris, Economica, 2001, p. 97.

[17] Bobby Seale, Seize the Time: The Story of The Black Panther Party and Huey P. Newton (1970), Baltimore, Black Classic Press, 1991.

[18] Nelson George, Buppies, B-Boys, Baps, and Bohos: Notes on Post-Soul Black Culture (1992), New York, Da Capo Press, 2001.

[19] Cet archétype fait référence au personnage du livre d’Harriet Beecher Stowe, qui est devenu le symbole du Noir au service des Blancs et qui se complait dans cette servitude, ou encore du vendu, du traître à sa communauté. Harriet Beecher Stowe, Uncle Tom’s Cabin (1852), Londres, HarperCollins, 2011.

[20] Ce sujet fait clairement référence au cas spécifique de Michael Jackson, qui attribuait sa transformation physique au vitiligo, et qui n’échappe pas à l’humour satirique de McGruder, notamment dans la bande dessinée. Aaron McGruder, All the Rage: The Boondocks Past and Present, New York, Three Rivers Press, 2007, p. 70.

[21] Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD].

[22] L’utilisation même du mot « nigga » au sein de la communauté afro-américaine fait débat, entre retournement et réappropriation d’un mot empreint de racisme dans la bouche de la majorité blanche (« nigger ») pour en faire un terme de fraternité intracommunautaire, et symbole d’une jeunesse afro-américaine apolitique qui peine à embrasser la lourde signification de ce terme. Todd Larkins, The N-Word: Divided We Stand [DVD], Ventura Distribution, 2004.

[23] Aaron McGruder, All the Rage, op. cit., p. 215.

[24] Anne Crémieux, Les cinéastes noirs américains et le rêve hollywoodien, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 33-40.

[25] Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD].

[26] Fredrik, Strömberg, Black Images in the Comics: A Visual History, op. cit., p. 30.

[27] Aaron McGruder, All the Rage, op. cit., p. 171.

[28] Titre d’une chanson du groupe de rap Public Enemy, qui développe le thème de la confrontation et de la rébellion permanente au sein de la communauté afro-américaine. McGruder fut influencé par ce groupe et son art engagé. Aaron McGruder, All the Rage, ibid., p. 154.

[29] Ce choc est parfaitement illustré lorsque Riley entreprend de renommer les rues de son quartier pour les rendre moins ringards et plus « gangsta ». Ainsi, « Timid Deer Lane » est rebaptisée « Notorious B.I.G. Avenue ». Aaron McGruder, The Boondocks: Because I Know You Don’t Read the Newspaper, Kansas City, Andrews McMeel, 2000, p. 82-85.

[30] Aaron McGruder, All the Rage, ibid., p. 142.

[31] Question posée par Huey aux invités (blancs) de la Garden Party de M. Wuncler, qui ne cessent d’applaudir ses prises de parole et s’extasient devant sa chevelure alors qu’il développe ses théories complotistes au sujet du gouvernement Bush.

Saison 1, episode 1, « The Garden Party », dans Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD].

[32] Saison 1, épisode 7, « A Huey Freeman Christmas », dans Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD].

[33] Aaron McGruder, The Boondocks: Because I Know You Don’t Read the Newspaper, p. 67.

[34] Saison 1, episode 1, « The Garden Party », dans Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD].

[35] Aaron McGruder, The Boondocks: Because I Know You Don’t Read the Newspaper, p. 8.

[36] Saison 1, episode 1, « The Garden Party », dans Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete First Season [DVD].

[37] Aaron McGruder critique frontalement le gouvernement de George W. Bush, tout particulièrement dans ses bandes dessinées (1999-2006). La série animée (2005-2010) est davantage consacrée aux personnages et moins à l’actualité politique. Malgré tout, Huey y répète que « Ronald Reagan était le Diable et (que) le gouvernement ment au sujet du 11 septembre » (Nous traduisons. Dans l’original : Ronald Reagan was the Devil, and the government is lying about 9/11). Aussi, dans l’épisode « It’s a Black President, Huey Freeman » (saison 3, épisode 1), Huey est sceptique quant à l’élection d’Obama et l’engouement qu’elle suscite, soulignant que « l’espoir est irrationnel » (Hope is irrational) et envisageant même l’exode pour finalement « démissionner » de la vie politique, en concluant « À quoi ça sert de parler si personne ne retient la leçon ? » (Nous traduisons. Dans l’original :What’s the point of talking if nobody ever learns?). Aaron McGruder, All the Rage, op. cit., p. 141-146 ; Aaron McGruder, The Boondocks. The Complete Third Season [DVD], Sony Pictures, 2010.

[38] Aaron McGruder, All the Rage, ibid., p. 178.

[39] Kenneth Ghee, « “Will the ‘Real’ Black Superheroes Please Stand Up?!” », op. cit., p. 229.

[40] Aaron McGruder, All the Rage, ibid., p. 184.

[41] Aaron McGruder, All the Rage, op. cit., p. 174.

[42] Développé par Zora Neale Hurston et Claudia Mitchell-Kernan, théorisé par Henry Louis Gates, et également souligné comme fil conducteur dans l’histoire de l’humour afro-américain par Mel Watkins, ce concept souligne la tendance à « signifier » autre chose que ce qui est énoncé dans le discours. Dans le cas de McGruder, cela passe par l’emploi de différents procédés tels que l’ironie ou encore l’euphémisme, laissant apparaître en filigrane un discours plus significant, notamment dans la perspective d’un discours sur les relations interraciales ou intra-raciales aux États-Unis. Zora Neale Hurston, « Characteristics of Negro Expression », dans Gena Dagel Caponi (éd.), Signifyin(g), Sanctifyin’, and Slam Dunking: A Reader in African American Expressive Culture, Amherst, The University of Massachusetts Press, 1999, p. 293-308 ; Claudia Mitchell-Kernan, « Signifying, Loud-Talking and Marking », dans Gena Dagel Caponi (éd.), Signifyin(g), Sanctifyin’, and Slam Dunking: A Reader in African American Expressive Culture, Amherst, The University of Massachusetts Press, 1999, p. 309-330 ; Henry Louis Gates, The Signifying Monkey: A Theory of African American Literary Criticism (1988), Oxford, Oxford University Press, 2014 ; Mel Watkins (éd.), African American Humor: The Best Black Comedy from Slavery to Today, Chicago, Lawrence Hill Books, 2002, p. 16-20 ; Howard, et Jackson II (éd.), Black Comics: Politics of Race and Representation, p. 5.

[43] Howard, et Jackson II (éd.), ibid., p. 5.

[44] Aaron McGruder, All the Rage, ibid., p. 50-52.

[45] Henri Bergson, Le rire (1900), Paris, PUF, 1992, p. 6.

[46] Aaron McGruder, A Right to Be Hostile: The Boondocks Treasury, New York, Three Rivers Press, 2003, p. 120.

[47] Henri Bergson, Le rire, op. cit., p. 130-131.

[48] Réponse de Huey à son frère Riley dans une bande dessinée, également utilisée par McGruder en guise de titre de la première collection de bandes dessinées. Aaron McGruder, The Boondocks: Because I Know You Don’t Read the Newspaper, op. cit., p. 1.

[49] Aaron McGruder, All the Rage, op. cit., p. 187.

[50] Sheena Howard, « Gender, Race, and The Boondocks », dans Howard, et Jackson II (éds.), Black Comics: Politics of Race and Representation, p. 165.

[51] Charles Johnson, « Foreword » dans Strömberg, Fredrik, Black Images in the Comics, A Visual History, Seattle, Fantagraphics Books, 2003, p. 16.

[52] Charles Johnson, op. cit., p. 12.

[53] Fredrik Strömberg, Black Images in the Comics, A Visual History, Fantagraphics Books, 2003, p. 205.

[54] Miles White, From Jim Crow to Jay-Z: Race, Rap, and the Performance of Masculinity, Chicago, University of Illinois Press, 2011, p. 5.

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